Le temps du carême : se recentrer sur l’essentiel

Samen op wegDans son message aux catholiques pour le début du Carême, publié le mardi 25 février, le pape François nous invite à « cheminer ensemble dans l’espérance ». Ces quarante jours nous sont donnés pour aller à l’école de la conversion. Non seulement il faut « marcher » et sortir des zones de confort pour nous mettre en mouvement vers les autres, mais aussi il nous faut marcher « ensemble », en tant que frères et sœurs dans la foi. Le pape souligne que notre unité dans ce cheminement rend notre espérance plus vivante et vivifiante car « les chrétiens sont appelés à faire route ensemble, jamais comme des voyageurs solitaires. L’Esprit Saint nous pousse à sortir de nous-mêmes pour aller vers Dieu et vers nos frères et sœurs, et à ne jamais nous refermer sur nous-mêmes ». Ce dynamisme de la sortie missionnaire cher au pape François avait été présenté dans son encyclique sur Joie de l’Évangile comme une mission consistant à « sortir vers les autres pour aller aux périphéries humaines » (La joie de l’Évangile, 2013, n°19). Le carême chrétien se définit par ce renoncement à son ego et ce mouvement vers nos frères et sœurs dans l’humanité. La fraternité universelle est non seulement une vocation mais aussi une mission pour tous ceux qui croient en Celui qui a donné sa vie pour tous, et surtout pour les plus faibles (cf. 2 Corinthiens 5:15).

Dans son encyclique sur la fraternité, "Fratelli tutti" (Tous frères)" du 3 octobre 2020 le pape a montré que les pauvres, les abandonnés, les malades, les marginalisés et les derniers, ne sont pas un détail à la marge de l’activité missionnaire de l’Église. Ils en occupent le centre et détermine l’essentiel du message chrétien. Tous frères, s’exclama-t-il, en soulignant clairement « l’essentiel d’une fraternité ouverte qui permet de reconnaître, de valoriser et d’aimer chaque personne indépendamment de la proximité physique, peu importe où elle est née ou habite. » (Fratelli Tutti, n° 1). Le chemin du Carême devrait orienter nos cœurs, nos yeux, nos mains et nos pieds vers nos frères et sœurs souvent oubliés aux périphéries de nos sociétés modernes. C’est dans ces « face à face » avec les périphéries que la « sortie missionnaire » s’accomplit et porte l’Église à comprendre l’essentiel de sa mission, à savoir (re) donner la vie, en abondance.

La fraternité est sans doute une vocation de tout homme

La fraternité est sans doute une vocation de tout homme. Nous sommes tous appelés à vivre notre vie humaine dans un cadre fraternel, où chaque personne autour de nous, aussi différente soit-elle, est un frère ou une sœur à aimer et un don qui nous est offert pour nous faire avancer sur le chemin de la conversion. Cette vocation est certainement un défi, car l’autre peut nous sembler difficile ou même impossible à accepter. Pourtant sans les autres, la vie chrétienne perdrait sa saveur et son témoignage car à travers notre réponse à la vocation à la fraternité universelle nous decouvrons le sens du sacrifice. Le sacrifice conduit à l’amour sans frontière et à la générosité ultime, à l’exemple du Christ qui aima l’humanité jusqu’au sacrifice de sa vie.

La fraternité est une mission

La fraternité est une mission. Elle est non seulement un chemin à parcourir, mais aussi une mission à accomplir. Elle est en outre garante de l’unité et détermine la possibilité d’une paix durable entre les peuples et les nations. Elle conduit l’humanité vers un avenir plus juste. Notre monde blessé par les conflits politico-économiques et les guerres fratricides ne cesse d’exposer les fragilités humaines et le manque d’une fraternité authentique. La fraternité nous trace un chemin à parcourir, elle nous invite à inventer et réinventer des chemins missionnaires pour rendre notre monde plus fraternel et plus ouvert à la joie de l’évangile, à la protection de la vie et de la nature. Par ce biais la fraternité universelle établit une ligne frontière à respecter pour avancer ensemble. Comme le proclamait le Concile Vatican II, la reconnaissance de notre fraternité universelle n’est pas un détail de la vie chrétienne dont on peut se passer. Elle est plutôt un élément déterminant notre existence et nous introduit dans les profondeurs de notre mission chrétienne (cfr. Nostra Aetate n°5). La fraternité relève ainsi d’une dynamique chrétienne véritable et orientée vers l’attention pour autrui et le partage.

Cette dynamique de partage avait conduit les premières communautés chrétiennes à se réinventer et à vivre ensemble une espérance plus vivante malgré les moments difficiles qu’elles traversaient. Les Actes des Apôtres nous disent que « La multitude de ceux qui étaient devenus croyants n’avaient qu’un cœur et qu’une âme et nul ne considérait comme sa propriété l’un quelconque de ses biens ; au contraire, ils mettaient tout en commun» (Ac 4, 32-33). Grâce à ce geste de partage, d’unité et de solidarité les premières communautés ont pu découvrir la beauté et la force d’ « un amour qui surmonte les barrières de la géographie et de l’espace. » (Fratelli Tutti 1).

Dans sa mission de chaque jour l’Église exprime de manière concrète l'amour de Dieu qui trouve son sens concret dans le témoignage de l’amour fraternel. Le Carême nous invite à nous retirer au-delà des bruits et des bourdonnements de ce monde pour pouvoir entendre les joies et les peines de l’humanité qui souffre. Le pape le rappelle d’ailleurs dans son message pour ce Carême que nous commençons dans quelques jours : « En ce Carême, Dieu nous demande de vérifier si dans notre vie, dans nos familles, dans les lieux où nous travaillons, dans les communautés paroissiales ou religieuses, nous sommes capables de cheminer avec les autres, d’écouter, de dépasser la tentation de nous ancrer dans notre autoréférentialité et de nous préoccuper seulement de nos propres besoins. »

Au début de ce Carême Missio Belgique vous invite à joindre votre prière à celle de l’Église universelle pour la paix et la fraternité authentique capable de transformer les cœurs et d’établir des ponts d’amour entre les peuples. La fraternité a besoin de gestes concrets de partage qui exigent de chacun un engagement à mettre de côté son ego et à placer l’autre au centre de tout intérêt et toute action. Vivre le carême comme une mission est avant tout un engagement à se laisser guider par l’Évangile et à témoigner de l’amour du Christ au quotidien.
Que la Vierge Marie soutienne notre engagement chrétien et nous accompagne sur le chemin du Carême.

P. Théogène Havugimana, directeur national - Missio Belgique
Carême 2025

Le message du pape François pour le Carême 2025